Helen Yau, directrice des opérations de l’entreprise Koln3D , est originaire de Hong Kong et vit en Suisse, à Genève, depuis 30 ans déjà. Elle est venue en Suisse avec sa mère pour fuir la rétrocession de Hong Kong à la Chine.
Après des études en mathématique et en informatique appliquées aux sciences humaines et complétées par un master en sciences de l’éducation dans le domaine du E-learning, Helen se passionne par l’humain et intègre l’entreprise Koln3D qui propose des solutions médicales personnalisées à guichet unique.

Interview avec une femme déterminée pour qui l’innovation doit être au service de l’humain.

Comment est née Koln3D?

La société Koln3D a été créée à Hong Kong en 2015. Monsieur Yau, le CEO de Koln3D, était dans l’industrie de fabrication de pièces et il s’est intéressé à l’impression 3D en métal. À l’époque, un des chirurgiens de l’hôpital de Hong Kong voulait imprimer un talus sur mesure en métal. Il connaissait Monsieur Yau et il avait entendu parler de sa société. C’était la seule société à Hong Kong qui pouvait faire des impressions 3D en métal, mais pas forcément adaptées au corps humain. C’était le début de l’aventure.  L’opération a eu un franc succès. Un suivi intense de plusieurs années a été mis en place pour le patient qui se porte très bien.

Après cette première réussite, nous avons pu imprimer d’autres parties du corps comme la hanche, l’épaule et la partie maxillo-faciale.

Quel est le processus d’élaboration des pièces ? Est-ce que vous avez des certifications spécifiques ?

Chaque pièce imprimée est faite sur mesure et spécifique au patient. Nous travaillons avec les chirurgiens qui d’abord nous expliquent leurs problèmes et leurs besoins. Ensuite, nous nous occupons de la partie technique qui regroupe toute la chaîne de valeur du concept au polissage et la livraison au corps médical.

Une fois la pièce posée, c’est le chirurgien qui fait le suivi pour voir si le corps acceptera la pièce.

Aujourd’hui, notre société fait des impressions 3D uniquement pour le domaine médical.

Il y a eu plusieurs études scientifiques pour connaître le type d’alliage et pour mieux adapter les pièces au corps humain. Nous suivons de près toutes études scientifiques publiées par les meilleures universités du monde entier.

S’appuyant sur la collaboration entre médecins et ingénieurs médicaux, nous nous engageons à fournir des implants, des gabarits et des outils chirurgicaux personnalisés de haute précision, répondant à l’anatomie unique de chaque patient et aux besoins spécifiques du chirurgien.

Notre fournisseur de poudres métalliques (notre matière première) est mondialement connu. Koln3D a les certifications ISO 13 485, la norme qui précise les exigences des systèmes de management de la qualité pour l’industrie des dispositifs médicaux. Nous avons certifié non seulement les processus, mais aussi les tests de biocompatibilité.

Dans quel domaine votre entreprise est-elle active ? Quelles sont les activités principales ? Quels sont les services et les produits qu’elle offre ?

Nous avons plusieurs produits, à part les implants sur mesure, nous fabriquons aussi des guides de coupe, pour aider les chirurgiens orthopédiques à découper l’os de manière précise et aussi à réduire le temps de l’opération. Ces guides de coupe sont aussi imprimés sur mesure en fonction de la surface de l’os. À savoir que cette surface de l’os n’est pas forcément la même pour tout le monde et donc c’est très important que la pièce soit parfaitement adaptée à la morphologie de la personne. Grace à ce guide de coupe, les chirurgiens qui débutent ne peuvent pas se tromper, car il y a une seule manière de couper et ainsi diminuer le risque de l’erreur humaine.

Pourquoi avoir choisi le Canton de Neuchâtel pour vous installer et vous développer ?

Koln 3D Switzerland a été créée à Genève en 2020. Au bout de deux ans, notre CEO voulait que l’on commence à produire en Suisse. Pour augmenter notre production, nous avions besoin d’une surface industrielle conséquente. Alors, j’ai commencé à chercher à Genève, à Lausanne, à Yverdon-les-Bains, à Neuchâtel et à Sainte-Croix ainsi que dans d’autres cantons romands. Finalement, nous avons choisi Neuchâtel parce que d’une part il y a un écosystème de medtech très intéressant, mais aussi nous avions été très bien accueillis par le service de l’économie, notamment Monsieur Vincent Von Arx. Il nous a beaucoup soutenu et aidé à rencontrer des différents partenaires et à la recherche d’une surface industrielle. Donc pour une petite société comme la nôtre, le soutien du canton est vraiment très appréciable. Un des points décisifs c’était les prix très attrayants des loyers dans le canton comparé à d’autres. Neuchâtel est un canton où l’innovation est très importante, avec divers acteurs académiques et industriels. C’est l’autre raison pour laquelle nous avons choisi Neuchâtel pour nous y implanter.

Aujourd’hui, nous sommes sur le point de démarrer un projet de recherche avec l’EPFL à Neuchâtel.

Nous sommes également en discussion avec quelques hôpitaux.

Quels sont actuellement vos principaux clients, vos concurrents ?

Pour le moment, nous ne pouvons pas encore commercialiser nos produits en Suisse et en Europe.  Par exemple pour les guides de coupe, nous sommes en train de préparer le certificat CE. Donc très prochainement, dès que l’on obtiendra la certification CE, nous pourrons commercialiser nos produits en Europe.

Nous avons quelques partenaires intéressés par nos produits mais sans la certification, nous ne pouvons pas vendre. La certification prend du temps, surtout que récemment, il y a eu un changement de réglementation avec l’Union européenne, ce qui nous a posé pas mal de problèmes.

Concernant nos concurrents, il y en a quelques-uns qui font de l’impression 3D de manière générale, avec une spécialisation dans l’impression d’implants dentaires par exemple. Des entreprises qui impriment sur mesure et qui sont exclusivement dans le domaine médical, nous sommes les seuls pour le moment. C’est un nouveau marché qui est en train d’émerger.

Comment percevez-vous et vivez-vous l’innovation au sein de votre entreprise ?

Neuchâtel est le berceau de la nano et micro-technique. Dans le canton nous avons des acteurs comme le CSEM, EPFL, Microcity, la HE-Arc. Ce milieu est stimulant et très intéressant pour étendre nos activités et surtout pour pouvoir trouver une main d’œuvre qualifiée qui maîtrise aussi l’allemand. Cela nous permettra de développer notre marché en Suisse alémanique.

Nous cherchons toujours à être à la pointe de l’innovation. Nous suivons de très près toutes les publications scientifiques dans le domaine du traitement de la surface, de la modélisation 3D, etc.

Comment imaginez-vous votre entreprise dans 5-10 ans ?

Nous aimerions développer déjà le marché en suisse romande et alémanique et faire connaître nos implants. Notre but est de proposer un produit haut de gamme pour les patients. Grâce à nos guides de coupe, le temps d’une opération pourrait être réduit significativement, ce qui permettra de baisser le coût de l’opération.

Sur quels aspects le canton pourrait-il encore travailler afin d’améliorer son attractivité pour les entreprises ?

Je dirais que le canton de Neuchâtel sera encore plus attractif si le taux d’imposition baisse encore plus pour les entreprises et les personnes physiques.