Nicolas Sarrut est le fondateur et CEO du groupe ADMCS en France et DMCS en Suisse. Ce groupe, actif dans les éco-terminaux de gestion de conteneurs à bilan énergétique positif et dans les logiciels d’optimisation des flux logistiques de conteneurs, s’est établi en 2020 dans le canton. Passionné de nouvelles technologies et sensible à l’environnement, Nicolas travaille dans le transport des conteneurs maritimes depuis plus de 23 ans et il est l’un des 5 spécialistes européens du domaine avec une vision globale. Depuis son plus jeune âge, il a baigné dans ce milieu grâce à son grand-père, qui, en 1960, était le premier à transporter des conteneurs sur camions dans la région du Grand-Est en France.
Rencontre avec un éternel enthousiaste pour qui le conteneur multimodal n’a pas de secret.
Comment est née ADMCS?
J’ai commencé à travailler dans l’entreprise de mon grand-père très jeune où j’ai pu voir l’évolution de l’entreprise, du monde maritime et des nouvelles technologies. J’ai aussi pu constater que le transport est « sale » et que tout le monde le perçoit d’une mauvaise manière. La logistique (surtout par bateaux) est polluante, mais il faut savoir que 90% de ce que consomme l’être humain (de la matière première jusqu’aux déchets en passant par les produits semi-finis et finis) est acheminé par conteneur. C’est aujourd’hui la plus grosse industrie mondiale. Depuis plusieurs années, je me demandais comment je pourrais changer ça ? De cette réflexion s’ensuit un double projet de construction d’Eco-terminaux de gestion de conteneurs à bilan énergétique positif, et d’un logiciel d’optimisation des flux logistiques de conteneurs basé sur des technologies avancées comme l’intelligence artificielle, le Deep Learning, l’IOT (Internet of Things), la blockchain, et la cryptomonnaie. Le but étant la réduction de l’empreinte carbone du secteur du transport multimodal.
Dans quel domaine votre entreprise est-elle active ? Quels sont les services proposés ?
Nous sommes dans le domaine du transport de conteneur et du numérique.
J’ai pris un peu de temps, car dans mon métier tout se fait encore par téléphone, par fax ou par email avec des logiciels silotés par acteur. Il faut savoir qu’il y a beaucoup d’acteurs pour faire bouger un conteneur du début jusqu’à son arrivée à destination et que chaque acteur a son propre système informatique. En fait, il n’existe pas un logiciel de pilotage global. L’idée est d’amener tous ces gens à utiliser ces nouvelles technologies sans trop les frustrer pour qu’ils soient interconnectés. Comme je l’ai dit plus haut, la première partie du projet est la construction d’éco-terminaux. Ce sont des ports passifs pour l’environnement qui vont utiliser les technologies comme le photovoltaïque, les éoliennes, l’hydrolyse de l’eau, et réutiliser la faune et la flore pour aménager le terrain sur lequel nous allons construire. Les terminaux sont passifs, ils sont 100% électriques et ils autoproduisent toute leur électricité. Celui que nous construisons à Ittenheim (Grand-Est) sera même à énergie positive. On vient de déposer le permis de construire, le projet serait finalisé fin 2024.
En ce qui concerne la deuxième partie du projet, il s’agit de la création d’un logiciel de pilotage de la chaîne logistique. Le but est de vendre un droit de connexion pour que les différents acteurs puissent organiser et tracer leurs conteneurs et leurs documents, ainsi que déposer ou récupérer de la documentation par rapport à un envoi spécifique de conteneur du début à la fin. Ces personnes ou ces entreprises, au lieu de payer en monnaie fiduciaire, achèteront à travers le système des tokens. Ces tokens leur permettront de se connecter sur la plateforme où ils auront accès aux informations que l’organisateur voudra bien leur communiquer.
Nous aimerions offrir en parallèle aux clients de la plateforme des services sur des actifs financiers. Il s’agit avec le token DMCS de pouvoir offrir aux clients « corporate » des services de type « crypto bank ». Pour la clientèle privée et institutionnelle, nous allons proposer un service de courtage et tous les services de placement sur des actifs, gestion de fortune, etc. Dans un premier temps, nous allons créer DMCS Finance qui va constituer un intermédiaire financier au sens propre du terme avec une licence et dans une année, nous démarrerons l’application pour une licence bancaire qui nous permettra d’ici 3 ans de pouvoir ouvrir notre crypto banque.
Pourquoi avoir choisi le Canton de Neuchâtel pour vous installer et vous développer ?
C’est le canton de Neuchâtel qui nous a choisis. Il y a quelques années, j’ai présenté notre logiciel à la STATION F et parmi les personnes qui étaient présentes, il y avait Monsieur Albert Suissa du GGBa qui m’a invité à la GGBa Night où j’ai rencontré des personnes du canton. Le projet leur a plu et c’est eux qui m’ont fait la proposition de venir le développer en Suisse, à Neuchâtel. J’ai eu le soutien du canton et l’encadrement de la FINMA. Aujourd’hui, c’est ce qui nous a permis d’arriver à avoir la première culture de monnaie encadrée. On travaille avec une grande partie des acteurs de la région : Le/AX avocats, e-gestion pour la partie comptabilité et Revixpert pour la partie commissaire aux comptes. Nous sommes très épaulés par le service de l’économie et par le canton. Comme ce sont les gens d’ici qui ont cru en nous, qui nous ont aidé, qui nous ont apportés les moyens de faire et d’avancer, forcément la logique était de s’installer ici.
Quels sont actuellement vos principaux concurrents, vos clients ?
Nous avions déjà eu une proposition de rachat du projet, mais j’ai refusé de vendre. Alors ils ont pris l’idée. Ils ont essayé de faire la même chose, mais pour l’instant, ils n’ont pas d’encadrement sur l’activité. Cela étant, nous avons plusieurs compagnies maritimes, des acteurs du métier qui essaient de nous racheter.
Aujourd’hui, nous avons déjà plus de 600 contrats d’achat de jetons DMCS et nous sommes à près de 10% de ces investissements qui sont des utilisateurs métiers.
Comment percevez-vous et vivez-vous l’innovation au sein de votre entreprise ?
L’innovation est très difficile, parce que les gens vous prennent pour un fou. Les 3 premières années du projet, les banques m’ont fermé les portes. La France, mon pays d’origine, ne m’a pas soutenu, et ma région non plus. J’étais très surpris quand la Suisse est venue me chercher. Le sérieux des gens ici est complètement différent et l’ouverture d’esprit aussi, surtout par rapport à l’innovation. Ils ne craignent pas de dire qu’ils vont aider un projet osé. Cela fait 9 ans que je travaille sur ce projet, j’ai tout autofinancé pendant 7 ans, puis on a levé un peu de « Love money » et nous sommes arrivé par la suite en Suisse. Nous avons obtenu l’encadrement et nous pré-vendons les tokens depuis 2 ans à peu près.
Comment imaginez-vous votre entreprise dans 5-10 ans ?
Dans 3 à 5 ans, on envisage de développer le système et de le mettre sur plusieurs corps de métiers. Le but est que dans 2 ans, le terminal soit créé et fonctionnel et que le logiciel soit également en action. La suite sera de dupliquer le système, car il a été créé pour qu’il soit « scalable », donc on pourra le dupliquer sur tous les modes de transport.
Aujourd’hui nous avons déjà 9 demandes de construction à travers le monde, sans aucune communication. Ce sont principalement des personnes du métier qui nous connaissent avec de grosses compagnies maritimes qui m’ont approché et dans certains cas des pays (les Émirats, Équateur, les États-Unis).
C’est un projet qui respecte l’environnement. Pourquoi cela est-il important pour vous ?
Mon grand-père était paysan et transporteur. Et moi, j’ai grandi avec lui. Je travaillais à la ferme, je travaillais dans le transport et donc je voyais les changements. Aujourd’hui, sans la nature, on n’est rien. Le transport, on en a besoin. Demain, il faudrait que le transport soit nouveau et sans impact négatif sur la nature. Donc l’objectif est de trouver des solutions innovantes pour réconcilier la nature et l’industrie. Aujourd’hui, je pense qu’on est sur la bonne voie pour trouver des solutions. Ce n’est pas la seule solution, il y en aura d’autres, heureusement. Je suis d’ailleurs ouvert à travailler avec toutes les personnes qui ont cette vision.
Sur quels aspects le canton pourrait-il encore travailler afin d’améliorer son attractivité pour les entreprises ?
Alors, honnêtement, sur tout le processus avec le canton, je ne vois pas ce qu’il pourrait améliorer, ils nous ont tellement accompagnés. Ils nous accompagnent même jusqu’à la recherche des logements pour les collaborateurs qui vont venir s’y installer. Vous avez des gens très talentueux chez vous. J’ai même des partenaires qui vont suivre le projet ADMCS jusqu’ici entre autres parce qu’ils ont vu ce que le canton avait fait pour nous. Donc je ne viens pas tout seul, je viens avec un écosystème. Honnêtement, aujourd’hui, je ne vois pas. Je tiens à remercier le canton de Neuchâtel, le service de l’économie et plus particulièrement Monsieur Vradis et Monsieur Mignon de Le/AX Avocats.