#canton de Neuchâtel#entrepreneuriat#Informatique en nuage#innovation#OpenSource#PME

Entretien avec Sacha Labourey – CloudBees

Sacha Labourey a grandi à Neuchâtel. Suite à ses études en informatique à l’EPFL, il se lance dans la co-création d’une entreprise, JBoss pour le développement d’un serveur[...]

Victoria Barras
10 février 2021

Articles en lien

Sacha Labourey a grandi à Neuchâtel. Suite à ses études en informatique à l’EPFL, il se lance dans la co-création d’une entreprise, JBoss pour le développement d’un serveur d’application open source.

Depuis, il a fondé CloudBees. Interview avec un addict de l’entrepreneuriat.


Qu’est-ce qu’un serveur d’application ?

Un serveur d’application permet à une entreprise de développer une application sans partir de zéro, en bénéficiant de fonctionnalités de base. Par analogie, lorsque vous utilisez un ordinateur, vous disposez déjà d’un système d’exploitation qui vous fournit des fonctions de stockage de fichiers, d’impression, de réseau, etc. Lorsque nous avons lancé JBoss, le monde des serveurs d’applications était réservé à des solutions entreprises très chères. Notre proposition de solution gratuite, open source, était tout à fait inédite. Notre modèle d’affaire reposait sur de la vente d’abonnement de support. Cinq ans après la création de l’entreprise, nous avons été racheté par Red Hat, qui appartient désormais à IBM.

Comment fonctionnent actuellement les modèles d’affaire basés sur des solutions open source ?

De nos jours, typiquement, le cœur du logiciel est open source et certaines fonctionnalités avancées ne le sont pas, en particulier pour les solutions destinées aux entreprises. Pour les développeurs par contre, l’open source prévaut. Cette approche permet la distribution. Puis la monétisation se fait de manière parallèle, une fois que l’adoption a déjà eu lieu en interne. HashiCorp, Red Hat ou Cloudera, des géants dans le domaine du logiciel d’infrastructure, fonctionnent sur ce modèle d’affaire. Malgré leur valorisation en bourse de plusieurs dizaines de milliards, ces sociétés sont très peu connues du grand public.

Comment est né CloudBees ?

J’avais besoin d’un défi personnel. Chez JBoss, je n’étais pas le CEO. J’étais impliqué dans les décisions principales, mais être impliqué ne signifie pas prendre la décision finale. Je voulais me prouver que j’en étais capable.
En 2010, l’informatique d’entreprise était lourde et compliquée, et elle l’est encore pour de nombreuses sociétés. En effet, le chemin qui sépare une idée logicielle initiale, que des développeurs.euses créerons, à sa mise en route effective, est très long. Il contient beaucoup de friction, pour la plupart inutile. Tout ceci ralentit la capacité des sociétés à avoir un impact rapide grâce au logiciel.
Pour simplifier cela, nous avons créé un produit de « Plateform as a Service » (PaaS), qui est une solution de Cloud Computing (informatique en nuage). Le but était de rendre le développement logiciel beaucoup plus simple grâce au Cloud. En effet, l’agilité demandée en 2021 est immense. Les mises à jour sont microscopiques mais constantes. On pratique l’intégration continue. Amazon par exemple, publie en moyenne une mise à jour toutes les douze secondes. Pour y parvenir, l’ensemble du cycle de vie doit être automatisé, du choix de la mise à jour jusqu’à la production, avec des règles codifiées par l’entreprise. CloudBees offre une solution qui permet aux entreprises de formaliser et gérer la livraison de leurs logiciels.

Peut-on dire que le monde informatique est entrée dans l’air du fordisme ?

Effectivement. En informatique, il aura fallu près d’un siècle pour imiter cette manière de fonctionner. Nous sommes les enfants gâtés de l’industrie car un processus logiciel peut être lancé en un clic et a contrario être retardé pendant très longtemps. Pour parvenir à rendre les processus plus autonomes et résilients, il faut extraire la connaissance des employé.e.s et les codifier en règles. Au lieu de passer du temps sur les processus, les gens peuvent consacrer du temps à des tâches à plus haute valeur ajoutée et plus intéressantes.
À une époque chez HP, moins d’un pourcent du temps chez les ingénieur.e.s en charge des logiciels pour les imprimantes était utilisé pour les nouvelles fonctionnalités. 99% était passé sur la maintenance et résolution de bugs. Tout sauf ce que les client.e.s voulaient. À titre d’exemple, aujourd’hui, sur deux imprimantes HP, vous avez le même logiciel car tout a été simplifié, ce qui permet aux ingénieur.e.s d’investir bien plus de temps sur de nouvelles fonctionnalités. Nokia avait le même problème, avec plusieurs familles de téléphones. Chacune avait son système d’exploitation dédié, le travail des équipes était incompatible, il n’y avait pas d’écosystème unique. Le contre-exemple est Apple, avec l’écosystème iOS.

Vos challenges en 2021 en tant que co-fondateur de CloudBees ?

CloudBees a dépassé les 100 millions de dollars de chiffre d’affaires récurrent. Arriver de 0 à 100 n’est pas la même chose que de passer de 100 à 300. Cela nécessite une redéfinition de pas mal de rôles – y compris du mien, de processus pour entrer dans une autre maturité. Quand on est plus petit, on parle beaucoup du produit, de ce que l’on vend. En grandissant, il y a beaucoup de travail sur l’entreprise elle-même à entreprendre : la marque, la façon dont on opère en tant qu’organisation. Il faut mettre en place des processus pour libérer la tête des gens, sans les figer. Aujourd’hui, CloudBees emploie 500 personnes, dont 2/3 aux USA et 1/3 en Europe et moins de 5% en Asie. J’ai d’ailleurs récemment changé de fonction au sein de l’entreprise, afin de me concentrer davantage sur la stratégie de celle-ci.

INSCRIVEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER

Suivez les actualités économiques du canton de Neuchâtel !