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Eric Marguet – Gravity

Eric Marguet a fait ses études en France à l’Institut Universitaire de Technologie de Besançon en Génie Mécanique. Installé depuis 1995 à St-Imier en Suisse, il y poursuit ses études à la[...]


23 octobre 2019

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Eric Marguet a fait ses études en France à l’Institut Universitaire de Technologie de Besançon en Génie Mécanique.
Installé depuis 1995 à St-Imier en Suisse, il y poursuit ses études à la He-Arc St-Imier (à l’époque, ingénieur ETS Microtechnique) et complète sa formation par un Master HES en informatique.

Il est professeur de conception à 50% à la HE- Arc Ingénierie en Microtechnique et Design industriel.

Quel est le but de votre société, gravity ?

Notre savoir-faire porte sur la matérialisons de Big Data (ou mégadonnées), définies comme l’ensemble des données numériques produites par l’utilisation des nouvelles technologies numériques.
Nous constatons que l’utilisation physique, réelle, de milliards de données est désormais possible grâce à l’association de la microtechnique et de l’informatique moderne. Cela ouvre de nouvelles perspectives, en particulier celles de créer des objets infiniment plus efficaces, précis et riches, comme dans la nature par exemple.

Quelle est l’innovation dans votre approche ?

Actuellement, en ingénierie, les objets 3D sont créés par ordinateur. Les pièces sont généralement générées à partir de géométries volumiques simples. Elles ressemblent à des cubes, rectangles, sphères, axes sur lesquels il est possible de réaliser des opérations de retrait de matière, comme des perçages. Une autre méthode de travail, plus complexe, est appelée conception surfacique. Elle est utilisée lorsque les outils de conception volumique ne permettent plus de réaliser des géométries nécessitant trop de complexité. Elle est typiquement présente dans les jeux vidéo, les films d’animation ou de science-fiction. Elle permet de réaliser des formes plus organiques : aile d’avion, selle de vélo, casque de motos, souris d’ordinateur, carrosserie de voiture… En se basant sur cette technologie surfacique, les scanners 3D, permettent de reproduire virtuellement puis de matérialiser des pièces réelles. Or, même avec les grandes puissances informatiques actuelles, nous sommes limités à quelques millions de points caractérisant un objet quand ce dernier est destiné à la fabrication.
Notre innovation se passe de la conception volumique ou surfacique. Cette approche permet de matérialiser des objets issus de nuages de points non limités en quantité. La fabrication d’objets définis par des milliards de coordonnées devient possible, soit un facteur 1’000 (pour commencer), comparativement aux technologies surfaciques actuelles. Nous gérons les BigData en privilégiant un ordonnancement optimisé des points pour la fabrication d’objets (principe breveté).

Lorsque vous fabriquez une carte 3D, combien de données utilisez-vous ?

La matérialisation précise au mètre près des Big Data, issues du scannage du relief Neuchâtelois, soit 1’000 km2, nécessite un milliard de coordonnées. Cela correspond, pour une maquette de 70cm x 35cm, à une précision de 15 microns (soit 0.015 mm). Visuellement, devant cette maquette, un spectateur-trice distingue clairement tous les arbres du canton. Bien entendu, il est nécessaire d’utiliser des techniques de fabrications très précises (usinage par enlèvement de copeaux de type horloger, laser, électroérosion pilotée, etc.).
Pour y parvenir, l’intelligence artificielle est incontournable car l’humain ne peut tout simplement pas gérer seul une telle quantité d’information. Même l’interface écran devient superflue face à de telles quantités de données.

Quelles sont les applications concrètes de votre technologie ?

Nous appliquons déjà la matérialisation BigData pour la cartographie. C’est notre produit ambassadeur car les données sont facilement disponibles. L’impact esthétique et visuel est énorme car l’être humain n’est pas habitué à visualiser des objets artificiels disposant d’une telle définition. Toute la richesse de la nature se retrouve pour la première fois dans un objet créé par l’humain. Pour la suite, notre diversification se focalise sur la décoration horlogère ou architecturale. Nous imaginons également des applications médicales. En effet, notre corps est un parfait exemple d’extrême complexité. Y intégrer des implants de définition égale semble une évolution logique.

Quels sont les défis à ce niveau de précision ?

Les outils utilisés sur les machines-outils à commandes numériques (CNC, permet la soustraction de matière) ont la taille d’une patte de mouche. Ils sont développés sur mesure avec des partenaires de la région, tels que Dixi ou Fraisa. Il a fallu trois ans de recherche pour les développer.
De plus, pour fabriquer une carte à une précision de 15 microns sur du bois de qualité (chêne, être ou encore érable), la machine doit tourner pendant 4 semaines sans arrêt. La moindre erreur de programmation peut être fatale car le bois est alors « évidé » au mauvais endroit et la carte devient inexploitable. Les coupures de courant sont également à proscrire, car si le processus est interrompu, la CNC ne peut pas reprendre là où elle s’est arrêtée.
Vu la quantité d’énergie nécessaire pour faire tourner les machines, nous avons optimisé les broches afin qu’une fois en rotation, elles n’aient plus besoin d’énergie pour tourner. Actuellement, il nous faut uniquement 1500 Watt pour l’ensemble des équipements (huit machines), soit l’équivalent de deux fours à micro-onde allumés.
Enfin, les CNC doivent fonctionner dans un univers contrôlé, à 24, 5 degrés et à humidité constante. Les variations de températures entrainent la dilatation des outils et donc des décalages sur la carte en cours d’usinage.

Un ordinateur est-il capable de traiter simultanément la quantité de données topographiques disponibles ?

Non, car il s’agit de gérer des téraoctets de données brutes (mille milliards), ce qui fait « planter » n’importe quel ordinateur destiné à la conception. Grâce à nos algorithmes brevetés, qui jouent le rôle d’interface entre les données et la machine, uniquement 0,001 % ou moins, des données sont transmises à la personne chargée de la programmation. Ensuite, les ordinateurs et les machines travaillent en streaming autonome. Ils chargent les données au fur et à mesure de l’avancée de l’usinage.

Quels ont été les facteurs facilitants pour créer votre entreprise dans le canton ?

Gravity.swiss est né, comme la plupart des sociétés technologiques suisse il me semble, grâce à une infrastructure d’enseignement propre à la Suisse, qui allie proximité industrielle et instituts de recherche. Nous avons bénéficié de l’infrastructure informatique de la HE-Arc ingénierie et de ses chercheurs et étudiants, de la mise à disposition de logiciels et de machines récentes directement accessibles dans la région, grâce à son ADN microtechnique.

Quelles sont les prochaines étapes pour Gravity ?

Nous avons terminé la recherche et le développement en mai de cette année. Grace au succès des cartes topographiques, nous disposons d’un marché mondial et haut de gamme.
Maintenant que nous disposons d’une rentabilité, nous pouvons continuer à améliorer notre technologie et exploiter de nouveaux débouchés et relever des défis réjouissants.

 

Rédigé par Victoria Barras

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