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Une situation plutôt bonne, mais incertaine – Mai 2022

International et National Nous traversons une étrange période. Du côté de l’économie réelle, certes, la croissance du PIB s’essouffle un peu en Europe et en Suisse, mais elle reste[...]


13 mai 2022

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International et National

Nous traversons une étrange période. Du côté de l’économie réelle, certes, la croissance du PIB s’essouffle un peu en Europe et en Suisse, mais elle reste élevée aux États-Unis et au Japon. La marche des affaires et les entrées de commande se maintiennent à un bon niveau, tant à l’échelle suisse que pour le canton de Neuchâtel. À l’échelle internationale, les soucis viennent plutôt des marchés financiers et du contexte monétaire. Après une période de croissance marquée depuis deux ans, les indices sont à la baisse et cela ne va pas s’arranger avec des politiques monétaires nettement moins favorables aux opérateurs financiers. Un décrochage reste donc possible.
Les tensions internationales ne semblent pas affecter significativement l’économie suisse en raison de sa faible exposition au commerce avec la Russie et l’Ukraine. Plus structurellement, c’est la place de la Suisse comme lieu de négociation des échanges internationaux qui est en jeu, en particulier dans le trading des matières premières et l’accueil des personnes fortunées.
Pour l’instant, on ne voit pas poindre de récession en Europe, mais le grand point d’interrogation concerne bien entendu la montée de l’inflation dans l’UE et aux États-Unis. Les inquiétudes datent déjà du milieu de l’année dernière. Il s‘agissait alors de pénuries ponctuelles du côté de l’offre, pénuries appelées à se résorber dans un contexte de reprise de la demande suite à la sortie de la crise sanitaire. Du côté du pétrole, la Russie poursuit assidûment ses livraisons. Il existe certes une abondance de liquidité auprès des ménages et des acteurs financiers, mais cela fait de nombreuses années que ces liquidités ne viennent pas causer de montée des prix sur les marchés des biens et services. Alors, comment comprendre ces 7,5% d’inflation dans l’UE, davantage encore aux États-Unis ? Osons une explication : une inflation provoquée par l’opinion des opérateurs économiques. Ceux qui anticipent une inflation élevée sont de plus en plus nombreux, et ceci fait qu’elle se réalise. Les opérateurs voient les autres augmenter leur prix, et tout le monde souhaite participer à la fête, par peur de manquer une occasion. Le feu est mis à la pinède et le combustible, c’est probablement l’épargne en monnaie des ménages, déjà considérable avant 2020, et encore augmentée durant la période covid. Pour la Suisse toutefois, l’inflation reste sous contrôle – 2,5% en avril – d’autant plus que la valeur du franc est susceptible de monter rapidement.
Le problème aujourd’hui, c’est qu’on ne voit pas quelles forces seraient susceptibles de s’opposer à la montée des prix. En effet, on ne voit pas comment un resserrement monétaire pourrait agir sur ces anticipations. Il risquerait simplement de freiner le secteur immobilier et de faire chuter les cours boursiers.
Dans une telle situation, il faut réorienter le système et lui redonner du sens pour les opérateurs. Pourquoi ne pas profiter de cette période de prospérité et d’incertitudes structurelles pour ne pas accentuer la transition énergétique, écologique et climatique ? La crise politico-énergétique qui se développe ouvre une voie que nous serions bien mal avisés de ne pas suivre. Le problème n’est plus de se passer du gaz ou du pétrole russes, mais bien de se passer des énergies fossiles. Les circonstances nous y amènent de manière providentielle. Rétablir des anticipations crédibles et orientées vers l’avenir pour une bonne utilisation de l’épargne est susceptible de calmer les inquiétudes et la désorganisation à court terme.

Canton de Neuchâtel

Une apparente insensibilité aux incertitudes internationales

Dans le canton de Neuchâtel, les exportations continuent à tirer l’emploi et les offres d’emplois publiées par les ORP sont à un niveau particulièrement élevé. Notons que même s’il s’agit d’un marché intéressant, la Russie ne représentait selon les statistiques douanières de 2021 que 1,25% des exportations horlogères. Les entrées de commandes se maintiennent à un haut niveau. Les stocks de produits sont bas et les capacités de production fortement sollicitées. On note même une amélioration des perspectives dans l’industrie dans le canton.
En revanche, l’exposition de l’économie neuchâteloise au taux de change reste importante et la situation peut devenir préoccupante. Le scénario anticipé est celui d’une baisse marquée de la valeur de l’euro, moindre du dollar. Au fil des dernières décennies, le canton s’est spécialisé dans des biens où la compétitivité prix n’est pas déterminante, comme l’horlogerie, ou des branches dans lesquelles la demande est peu élastique, comme les machines spéciales et la pharma. La sous-traitance en revanche risque de voir ses marges se réduire.
L’inflation importée, notamment dans l’énergie et les produits et services intensifs en énergie, réduit le pouvoir d’achat des ménages, ce qui pourrait ralentir les activités locales résidentielles et, à terme, la construction. On n’en est semble-t-il pas encore là, d’autant moins que le chômage continue de diminuer et que les offres d’emplois restent nombreuses.
Dans le secteur du tourisme, si le retour des hôtes étrangers est amorcé, tout dépendra de la persistance des alémaniques à séjourner en Suisse plutôt qu’à l’étranger.

Olivier Crevoisier – Professeur d’économie territoriale – Université de Neuchâtel

Pour visualiser les données interactives de la conjoncture : ne.ch 

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